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Un Combat
(GO FIGHT !)
Je n'ai jamais pratiqué de sports de combat et pourtant j’ai toujours été fasciné par ces disciplines et toutes les capacités mentales et physiques qu'elles mettent en oeuvre, que ce soit dans le domaine amateur ou dans le domaine professionnel.
Très souvent —et alors que je ne me classe pas du tout dans la catégorie des gens brutaux ni mateur de scènes violentes sur le net— il m'arrive de visionner sur You Tube des matchs de boxe célèbres et d’apprécier certains films relatifs à cette discipline (comme le fameux « Million Dollar Baby » de -et avec- le non moins fameux Clint Eastwood).
Je me suis alors posé la question : mais pourquoi cette ambivalence ? Peut-être parce que, plus que les combats eux-mêmes, ce sont les combattant-e-s qui m’intéressent . Avec leurs histoires personnelles : par exemple, comment ont-ils pu -ou elles-pu en arriver là ? Était-ce un choix ou plutôt le résultat d’une fatalité ?
Avec leurs rages de « s’en sortir », leurs souffrances enfouies d’ hommes et de femmes aux destinées souvent tragiques qui propulsent toutes leurs énergies dans l’exutoire guerrier de vrais combats physiques et mentaux.
Pour moi, est-ce peut-être bien là que se trouve un essentiel !
J'aime lire tout ce qui concerne les histoires humaines des grands boxeurs : je pense à l'autobiographie de Mike Tyson « La vérité et rien d'autre » que j'ai beaucoup appréciée récemment.
À l’issue d’ un combat entre deux « fighters » qui ne se sont fait aucun cadeau il y a souvent cette rapide accolade, brève séquence porteuse d’un total respect entre un vainqueur et son vaincu qui semblent se dire : « On est dans le même bateau ! » J’aime ce moment !
Respect mutuel que l’on ne retrouve pas toujours —loin s’en faut !— à l’issue des combats politiques et intellectuels où les haines demeurent le plus souvent tenaces, voire même : éternelles !
Alors en témoignage de mon intérêt pour les sports de combat, je vous propose un petit focus sur une discipline née en Asie du Sud-Est au temps de l'empire khmer . Elle s’est développée en Thaïlande au point d'être devenue là-bas un véritable sport national et même : la discipline la plus populaire de toutes les autres formes de boxes d' Asie du Sud-Est !
J'ai nommé : la Boxe Thaïe (ou Muay Thaï) !
J'ai toujours entendu dire que les combats les plus fameux avaient lieu dans les grandes salles de Bangkok (comme le Lumpinee Boxing Stadium) mais c'est la ville de Chiang-Mai que j'ai choisie pour son atmosphère plus provinciale et, n'étant ni pro ni encarté, pour des conditions d'accès et de prises de vues probablement plus commodes que celles que j'aurais eues dans la capitale.
Petit rappel nécessaire : la boxe thaïe se pratique avec les poings bien sûr mais aussi les coudes, les genoux et les pieds. Des coups de pieds circulaires peuvent être donnés à différentes hauteurs (tête, tronc et cuisses) avec le tibia. Tout cela peut donc faire mal et même très mal ! Par contre, il est interdit de frapper intentionnellement les organes génitaux, de mordre ou de cracher, de frapper l'oeil de l'adversaire avec le pouce ou de frapper l'adversaire à terre...
Je vais commencer par le côté un peu obscur de cette discipline : les entraînements.
À savoir des dizaines, des centaines d'heures et d'efforts répétés, les blessures que l'on s'inflige, les suées énormes (pensez à la chaleur locale qui ne facilite pas les choses!) tout cela pour arriver à un niveau correct, de la connaissance et pratique des simples fondamentaux jusqu'à la préparation réelle de vrais combats.
Pour me faire une idée plus complète et variée j'ai visité 3 salles d'entraînement à Chiang-Mai où j'ai toujours été bien reçu et où j'ai pu photographier sans aucun souci : une salle à Chiang-Mai même et deux autres beaucoup plus excentrées, à plus d'une dizaine de km du centre-ville, en périphérie.
Êtes vous prêt-e-s ?
Alors allons-y !
GO FIGHT !
1- LES ENTRAÎNEMENTS
1- Travail du coup de pied au sac (en position de recherche de fauchage)
2- Travail de la montée du genou (en posture offensive à vide)
De nombreux occidentaux stagiaires très sérieux et volontaires viennent débuter ou se perfectionner dans ces centres.
3_ Travail sur le positionnement d'une posture de combat (posture de protection défensive à vide)
4- Apprentissage de la technique du coup de coude
Il en existe une dizaine de formes principales (direct, sauté, retourné, circulaire, plongeant, remontant, etc. ) Là, l'entraîneur montre à l'élève comment bien positionner son coude pour porter un coup en « retourné » (ou « spinning elbow)
5- Travail du coup de coude « remontant » au sac
(ou uppercut elbow)
6- Travail du corps à corps
Le corps à corps joue un rôle important dans la boxe thaïe. On peut employer le corps-à-corps, par exemple pour récupérer physiquement en se « collant » contre l’adversaire, ou pour le fatiguer en effectuant des coups de genou dans les flancs et les cuisses.
7- Travail du corps à corps
Certaines séquences pourraient faire penser à de la lutte gréco-romaine !
8- Travail du coup de pied avec l'entraîneur
Là, l'apprenti boxeur répète de manière régulière et ininterrompue le même type de coup de pied toujours avec le même pied en criant « ahan ! » « a-han ! » « a-ahan ! ». En écho, les cris d'encouragement de l'entraîneur qui encaisse, protégé par sa ceinture abdominale...
Il manque d'ailleurs une bande-son pour traduire l'atmosphère captivante qui régnait dans cette salle d'entraînement, la mieux équipée et la mieux encadrée des trois salles que j'ai pu visiter à Chiang-Mai avec des boxeurs apparemment déjà de très bon niveau. (Elle est mentionnée dans le Lonely Planet : Santai Muay Thaï, 79 Moo9, à Sankamphaeng, environ 14 km de la ville. Nécessité de réserver un tuk-tuk pour l'aller-retour et d'inviter le chauffeur à téléphoner au centre avant le départ pour qu'on lui indique exactement où il se trouve car les chauffeurs ne connaissent pas du tout l'endroit).
9- Entraînement au Santai Muay Thaï de Sankamphaeng
(Semi circulaire du genou ou diagonal-knee -strike)
10- Volonté et acharnement au Santai Muay Thaï de Sankamphaeng !
À Chiang-Mai, une grande salle « historique », située hors du quartier touristique longtemps connue pour présenter les meilleurs combats de la ville n'existe plus : le Kawila Bowing Stadium. Elle était pourtant mentionnée dans le Guide du Routard 2015 comme étant toujours en fonction avec le petit commentaire « : « N'écoutez pas ceux qui vous disent que le stade a fermé, c'est faux. » Et bien non, c'est ce que raconte le Routard qui est faux : en novembre 2015, j'ai pris la peine de me rendre moi-même sur les lieux et je suis tombé sur un chantier qui traîne depuis 3 ans déjà et qui a l'air de complètement végéter.
Au cours de mon séjour de plusieurs semaines à Chiang-Mai, j'ai cependant noté l'existence de 4 salles de combats réellement en fonction.
À mon avis, deux sont à éviter parce que conçues et animées uniquement pour les touristes occidentaux avec de petites affiches et de combats se rapprochant plus du spectacle que d'autre chose: il s'agit du Thaphae Boxing « Stadium » et du Loikroh Boxing « Stadium » situés dans la vieille ville, en plein quartier touristique. Leur appellation de « stades » est complètement usurpée : ce sont en fait deux petites salles assez minables, mal éclairées où il est difficile sinon impossible de se déplacer près et autour du ring et où des prostituées locales rôdent en quête de touristes occidentaux pleins de bière et généreux en baths.
Mais on peut assister à de plus authentiques combats dans deux autres lieux mieux pourvus : le Kalare Boxing Stadium situé dans le Night Bazaar avec des affiches internationales de meilleur niveau et surtout le Chiang-Mai Boxing Stadium, une toute nouvelle salle vraiment bien équipée qui vient d'ouvrir tout au nord de la ville, loin du quartier touristique et essentiellement fréquentée par un public thaï de connaisseurs.
II- LES CÉRÉMONIES D'OUVERTURE DES COMBATS (OU WAI KHRU)
Avant chaque combat, les boxeurs consacrent quelque minutes à l'exécution d'un rituel traditionnel qui consiste en un hommage qu'ils rendent en tant que disciples à leurs maîtres qui détiennent la connaissance : parents, éducateurs, entraîneurs ou mentors.
11- L'hommage
Le serre-tête, appelé Mongkol, est censé porter chance au porteur, depuis qu'il a été béni par un moine ou par son professeur. Il est retiré après la danse Wai Khru, et seulement par l'entraîneur.
12- Wai-Khru
Les boxeurs (et boxeuses) exécutent ensuite une sorte de danse accompagnée de différentes postures qui, dans les croyances locales, a pour effet de contrecarrer les influences néfastes du lieu en appelant les bons esprits à honorer et protéger les combattants. C'est un moment très spécial parce qu'empreint d'une religiosité et d'une grâce particulières avant le déchaînement de coups et toute la violence et les souffrances qui vont s'en suivre... Mais derrière toute sa symbolique, le Wai-Khru permet aussi aux fighters de s'échauffer un peu avant le début des hostilités...
13- Wai- Khru
14- Wai-Khru
15- Wai-Khru
Certains combattants s'accroupissent sur la toile du ring en direction de leur lieu de naissance puis en direction de chacun des points cardinaux symbolisés par les côtés du ring.
16- Wai-Khru
17_ Un jeune boxeur avant son combat
18- « Faites vos paris ! »
(Normalement les paris sont interdits pour la boxe thaïe en Thaïlande mais comme vous voyez...hum ! Bon...passons !...)
III- LES COMBATS
La boxe Thaïe se déroule en 5 rounds de 3 minutes, avec une pause de 2 minutes entre chaque round.
Allez, c'est parti ! GO FIGHT !
19- Annonce d'un premier round
20- Quelques secondes d'observation
21- Je t'ai à l'oeil !
22_ Premier engagement aux pieds
23_ Coup de pied pénétrant latéral pistonné (ou side-kick) et parade du genou
24- Engagement aux poings
25- Esquive et blocage aux poings
26_Accrochage
27- Empoignade
28- Intervention nécessaire de l'arbitre
29- Absorption d'un coup de pied circulaire en ligne basse (ou low-kick) avec un contre du direct droit qui s'annonce
30- À la suite d'un coup de pied bas circulaire (ou fauchage), l'adversaire est déséquilibré et chute. Mais il se relèvera...
31_ International Ladies Fight ! Combat de filles au Kalare Boxing Stadium
La jeune combattante thaïe Mouy (à gauche)adresse à la jeune américaine Parn Tep (à droite) un jab du gauche non décisif associé à un direct pénétrant du genou (ou knee-bomb) que celle-ci bloque toutefois.
La réplique ne va pas tarder et j'ai vraiment été bluffé par la manière de combattre très propre et volontaire de cette jeune américaine (de même d'ailleurs que par celle de tous les combattants occidentaux -néo-zélandais, hollandais, allemands, anglais...- vraiment accrocheurs et qui m'ont paru généralement plus forts aux poings que les boxeurs autochtones locaux)
32- Rendre coup pour coup
Ici la jeune combattante américaine envoie à son adversaire un revers du coup de coude droit qui fait mouche. Les coups de coude peuvent être très dangereux et ne sont autorisés que dans les compétitions professionnelles...
33- Combat de filles au Chiang-Mai Boxing Stadium
34- Coup de pied en ligne haute (ou high-kick) et esquive
35- Pause récupération
36- Moment de doute (?)
Retour avec les garçons
37- GO FIGHT !
Coup de pied circulaire enroulé (ou half knee-kick)
On essaie la même en couleurs ?
38- GO FIGHT !
.Non : je préfère quand même le noir et blanc !
39- Un coup qui peut faire mal...
40- Ambiance backstage...
D'un coté du ring retentit la musique lancinante et obsédante d'une petite section musicale comprenant une clarinette javanaise, des tambours et des cymbales. Elle accompagne la rencontre, du Wai Khru jusqu'à la fin du combat. Le tempo dépend de l'action sur le ring, il s'accélère en même temps que les boxeurs.
Il est dit que la mélodie proviendrait d'une sirène, et qu'un vrai adepte du Muay Thaï ne peut jamais y résister.
41- Savoir encaisser
42- Un coup renversant
43- Un coup décisif
44- Au tapis
45- Renoncement
Attention aux K.O ! Comme les deux qui arrivent, j'en ai vu plusieurs qui me sont apparus vraisemblables en fonction de la violence des coups qui les précédaient et du temps passé à la réanimation par les soigneurs (mais un ou deux où, manifestement le boxeur en difficulté, pressé d'en finir, « se couchait », se laissait compter, pour se relever ensuite assez prestement sans trop de mal).
46- Compté jusqu'à 10 !
47- Out !
48/48- And The Winner Is …Ici le néo-zélandais, Cole Smith ! Applaudissements !
Le développement du tourisme en Thaïlande a désormais popularisé la boxe thaïe au niveau mondial et nombreuses sont les grands figures internationales de cette discipline, notamment hollandaises mais aussi françaises comme Thomas Dupuy champion du monde en 2004 et Abdoulaye Fadiga, champion du monde en 2007.